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[INTERVIEW CROISEE] Regards croisés sur l’Atelier Paysan

lundi 28 septembre 2020
[INTERVIEW CROISEE] Regards croisés sur l’Atelier Paysan

Qui sont ces personnes qui font l’Atelier Paysan ? Chaque mois, ils et elles prennent la parole ! Pour poursuivre cette série, Grégoire WATTINNE (Ingénieur formateur) et Thomas BORRELL (Chargé de mission scientifique) nous proposent leurs regards croisés sur l’Atelier Paysan, ses activités et son évolution.


Grégoire Wattine, ingénieur formateur métal, est arrivé à l’Atelier Paysan il y a 7 années, d’abord en Service civique puis comme salarié. Thomas Borrell, chargé de mission scientifique, a rejoint l’équipe fin novembre 2019, pour renforcer le travail de la coopérative sur les politiques publiques en matière de machinisme agricole.

Thomas
Moi qui fais partie des dernier·e·s arrivé.e.s dans l’équipe salariée, j’ai cru au début que l’Atelier Paysan avait "toujours" fonctionné selon ce qui m’a semblé être un bel équilibre : d’un côté une démarche très concrète d’accompagnement des paysan·ne·s vers plus d’autonomie collective, par les formations à l’autoconstruction de matériels et de petits bâtiments ; et d’un autre côté un travail plus "en surplomb" - que certain·e·s pourraient un peu trop rapidement considérer comme "plus politique"- pour mener cette bataille pour plus d’autonomie et d’agroécologie aussi sur le front des institutions et du débat public. C’est après coup que j’ai réalisé que ce second volet était surtout développé depuis que la coopérative avait mené un travail prospectif, "L’Atelier Paysan demain". En 2018, en dépit du succès croissant de ses formations, la nécessité de davantage résister au rouleau-compresseur de l’agro-industrie avait incité à créer des postes comme le mien, ou comme celui de notre collègue "formateur politique" Hugo.
Mais pour des "anciens" comme toi, j’imagine tout de même que la dimension très politique de la démarche de l’Atelier Paysan a toujours été présente, même si au début seul le premier volet était développé ? Si ce n’est pas le cas, je me dis que ce pour quoi j’ai été recruté, et ce que je fais au quotidien, ne doit pas être très clair pour les collègues formateurs techniques comme toi.

Grégoire
C’est clair que l’aspect politique et de transformation sociale a toujours été présent dans nos têtes à l’Atelier Paysan, qu’importe le poste. Mais le portage clair de ce volet, ainsi que l’envie de le développer et le faire valoir, sont assez récents. Là où ce portage était dilué sur les postes, plus ou moins approprié par les personnes en fonction des sensibilités de chacun·e, il est maintenant incarné par des postes, comme le tien ou celui d’Hugo. Les quelques séminaires sur le projet POLMA , auxquels les salarié·e·s sont toujours cordialement invité·e·s, ont permis de mieux comprendre l’essence de ton poste, et l’intérêt que nous avons à mener ces enquêtes : pourquoi et comment l’industrie des agroéquipements en est arrivée là ? Il est nécessaire de bien comprendre ce contre quoi nous luttons pour lutter efficacement. Et il est d’autant plus important de diffuser ces connaissances et d’aider à l’éveil politique sur ces questions. J’ai d’abord été frileux sur ces explorations, préférant voir arriver des collègues en renfort dans la technique que sur ce volet politique, mais j’ai compris et accepté que nous préparons ainsi la piste pour notre avenir, pour permettre le rapport de force et éviter de se faire écrabouiller dès qu’on sera un peu trop menaçant.
De mon point de vue, l’agrandissement progressif de l’équipe nous amène maintenant à un bel équilibre entre technique/fonctionnement/politique. Une des frustrations qu’amène cet agrandissement est qu’il est devenu difficile de suivre tout ce qu’il se fait au sein de l’Atelier Paysan, même pour moi qui, en réalisant le codage de notre outil informatique de gestion internet et d’une partie du site web, suis pourtant obligé d’avoir une vision d’ensemble.

Thomas
C’est aussi difficile de suivre tout ce qui se fait au niveau technique ! Quand on découvre l’Atelier Paysan, comme ça a été mon cas il y a un an, on comprend vite qu’il y a des formations au travail du métal, mais il faut du temps pour saisir toute la diversité d’outils autoconstruits qui sont proposés au cours des formations, et toutes les filières de production qui peuvent être intéressées - je pense qu’on pâtit même encore d’une image limitée au maraîchage, bien que ça n’ait plus aucune réalité. Et quand on ajoute le volet "bâtiment", avec désormais aussi des formations longues, tout le travail de recherche & développement pour accompagner la conception de nouveaux outils, puis la fourniture de "kits" pour autoconstruire ses outils sans l’appui d’un formateur, il y a de quoi s’y perdre. Moi, en tout cas, je m’y perds toujours. Et je pense que de l’extérieur, le paradoxe c’est que les gens perçoivent bien l’aspect technique de notre "coopérative d’autoconstruction", mais sans vraiment savoir de quoi il retourne.

Grégoire
Ce qui fait une des forces de la structure c’est sa capacité à se transformer, s’adapter, évoluer. Depuis que je suis arrivé en juillet 2013, au stade où la structure était associative et s’appelait "ADABio Autoconstruction", nous sommes passés de 5 dans l’équipe permanente (que des temps partiels !) à bientôt 28 personnes (salarié·e·s et stagiaires compris·es), principalement à temps plein. Le nombre de formations n’a eu de cesse d’augmenter, le nombre d’outils développés et en développement également, et tout ceci s’est fait grâce à une remise en question continue de nos moyens logistiques, humains, informatiques... Nous avons beaucoup progressé dans notre capacité à vulgariser correctement les technologies développées, à approvisionner les autoconstructeurs·trices, à accompagner des groupes de R&D, mais aussi à assurer une communication en interne claire et pas trop chronophage. Je me confronte cependant au fait de ne plus arriver à tout suivre comme ça pouvait être le cas il y a 4-5 ans, il y a un côté frustrant, mais aussi un côté agréable, de constater de temps à autres les avancées que les collègues ont fait sur tel ou tel sujet, jusqu’alors inconnu ou perdu de vue.