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Pour une histoire critique de la machine agricole : chroniques visuelles

Dans le prolongement des réflexions menées par L’Atelier Paysan et le Pôle InPACT sur la souveraineté technologique des paysans, nous nous proposons d’aborder l’histoire du machinisme agricole sous un angle critique... Et ce à travers la présentation d’une série de films de propagande réalisés dès le début du 20ème siècle.

Il y a un peu plus d’un an, nous publiions avec le Pôle InPACT national un plaidoyer sur la souveraineté technologique des paysans. L’idée de ce texte, longuement mûri, raturé, enrichi et discuté, est d’interpeler largement sur ce qui est à l’oeuvre aujourd’hui en agriculture : des choix techniques largement dirigés et contraints, loin d’être toujours au service de l’autonomie des paysans. Et en conséquence, la nécessité toujours renforcée d’une technocritique argumentée, et de construire des alternatives.

Ce travail, prolongé par un séminaire fréquenté au-delà de nos attentes, nous a rendu gourmands, curieux, et d’autres contributions sont venues l’enrichir. Des paysans, des réseaux, des chercheurs, porteurs de portions de réponses, de visions singulières, d’éclairages dans des disciplines qui sont autant de pas de côté. Nous n’en sommes qu’au début ! Mais comme on trouve tout ça particulièrement intéressant, et que l’histoire de la machine agricole ne date pas d’hier, on vous en fait profiter : des chroniques, régulières, singulières, à partir de ce que l’histoire nous a laissé.

Ces chroniques sont réalisées par Jérémie Grojnowski, doctorant en anthropologie visuelle et filmique à l’université Paris Nanterre au sein du laboratoire HAR (Histoire des arts et des représentations). Il s’intéresse, dans le cadre d’une recherche anthropologique passant par une approche filmée, à différentes expériences s’inscrivant dans l’esprit du libre et la promotion d’une autonomie technologique. Il suit notamment l’activité de L’Atelier Paysan sous les prismes de l’auto-construction, de la transmission et la réappropriation collective des savoir-faire paysans. Également sémiologue de formation, il propose dans ces chroniques une lecture de films d’archive faisant l’apologie du machinisme agricole, dans l’optique d’en faire émerger les représentations et discours implicites.

La problématique :
Comment ces films vantent-ils les mérites du machinisme agricole ? Quelles valeurs projettent-ils sur la machine et l’automatisation ? Quelle vision nous proposent-ils de l’agriculture et du travail de la terre ?


Chronique 1 : Film de la machine agricole (1912)

Titre complet : Film national de la machine agricole français (1912, 1h)
Producteur ou co-producteur : Ministère de l’Agriculture
Réalisateur : Jean Claude Bernard
Lien vers l’archive vidéo INA

Résumé :
Ce film muet présente l’industrie du matériel agricole français dans le but de promouvoir ses produits auprès des agriculteurs. Il est divisé en plusieurs extraits illustrant l’utilisation des machines agricoles dans les travaux des champs et leur fabrication en usine :
1) L’activité d’une usine française de fabrication de machines agricoles ;
2) Locaux, laboratoires, personnel, stocks de matière première, fonderie, magasins de matériel agricole, manutention ;
3) Déchaumage et labour au tracteur, à la charrue-balance actionnée par une locomotive-treuil, et à la charrue-balance actionnée par deux treuils.

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La propagande au service du machinisme agricole

Nous nous intéresserons ici à un premier document filmé datant de 1912 : le Film national de la machine agricole française, commandé par le Ministère de l’Agriculture, produit et réalisé par Jean-Claude Bernard. Composé de sept parties, ce film muet d’une heure s’adresse aux agriculteurs de l’époque pour promouvoir les bénéfices des outils agricoles mécanisés. Il met notamment en comparaison les nouvelles formes de production industrielle des machines agricoles avec la façon dont ces machines sont supposées augmenter la productivité et le confort du travail paysan. Comme nous le verrons, cette entreprise de séduction s’appuie sur un patriotisme industriel tout en véhiculant une idéologie de la libération de l’homme par la machine. La fascination pour le gigantisme et l’hyperpuissance industrielle, manifeste dans le film, s’exprime dans un regard techniciste qui finit par occulter l’existence même du monde paysan.

Une rhétorique patriote

La première partie du film, intitulée L’industrie des machines agricoles en France, déploie une succession de travellings et panoramiques mettant en majesté les chantiers, les bâtiments et toits des usines ainsi que les machines industrielles. Le commentaire, diffusé par les cartons, nous parle d’ « organisation moderne », de « rationalisation », mais aussi d’une « industrie faisant vivre un grand nombre d’ouvriers ». Cette industrie est dépeinte comme salvatrice pour la France et les travailleurs de l’industrie. Les ouvriers arrivant en masse dans l’usine semblent engagés dans un cérémoniel de parade militaire. Dans un discours conquérant, un carton annonce : « Les machines agricoles portent au loin le bon renom de l’industrie française ». De fait, la métaphore militaire traverse toute cette première partie qui se termine sur une séquence où les agriculteurs, avançant en ligne sur leurs charrues mécanisées, sont présentés comme « l’armée de la paix ». Cet oxymore est lourd de symboles. Il révèle une stratégie de séduction par laquelle l’industrie s’efforce, en jouant sur le sentiment national, d’exporter son modèle dans les champs.

La libération du travail par la machine

Dans les usines de fabrication de matériel agricole, les ouvriers sont relégués au statut de figurants accompagnant les machines. Celles-ci, suggère le film, libèrent l’ouvrier du travail pénible, tout comme d’ailleurs le paysan. La seconde partie (Déchaumage et labour – Fabrication des charrues) nous montre ainsi des paysans travaillant en chœur sur leurs charrues, et dont la tâche principale consiste à piloter sans effort ces machines. Là encore, c’est la machine qui, dans un rythme constant, imperturbable, porte l’agriculteur et se substitue à son travail. Les paysans semblent naviguer sur la terre, installés à l’arrière de leurs véhicules qu’ils dirigent en manipulant leur « gouvernail ». Les bénéfices du travail mécanisé face au travail manuel sont mis en exergue dans la troisième partie (Semailles et plantations) par un artifice de montage : un premier plan met en scène des paysans à pieds répandant des semences à la main, tandis que le plan suivant montre la même opération effectuée avec des machines. Celles-ci arrivent pour le bien-être du paysan, l’élèvent au statut de commandeur. De même, dans la quatrième partie (Fenaison des arrachages des pommes de terre, haricots et betteraves. Fabrication du matériel de récolte), un artifice similaire montre comment l’arrachage mécanisé des betteraves permet un redressement du paysan. Celui-ci n’est plus obligé de courber le dos : la machine advient pour sa dignité et son bien-être.


Le gigantisme, la toute-puissance de la machine

Les nombreuses scènes en usine soulignent l’hyperpuissance de la fabrication industrielle capable de façonner des pièces de métal volumineuses par une multitude de procédés (pilon, presse, soudure, perçage, etc.), ou encore d’emboutir d’un trait des auges à porcs grâce à une presse de 1000 tonnes. Des plans mettent en scène le gigantisme des stocks de matière première, des métaux en fusion et des machines automatisées qui semblent travailler à la place des ouvriers. La machine et la pièce travaillée sont au centre du dispositif scénique qui tend à placer l’humain à la marge voire le situer dans le hors-champ. Le machinisme fait entrer le monde agricole dans une nouvelle ère technique, son avancée parait irrésistible. Dans les champs, les paysans travaillent profondément la terre, traversant avec leurs charrues des étendues immenses, des océans réduits par la vitesse de la machine. Ils semblent parfois lutter pour ne pas être emportés par leurs machines avançant de façon inquiétante. Les outils rotatifs transforment la terre en matière première exploitée dans des usines à ciel ouvert. Le résultat ne se fait pas attendre, comme ce tas de pommes de terre de 3 millions de kilos exposé à la fin de quatrième partie, démonstration indiscutable de l’efficacité du machinisme.


Le triomphe du technicisme

Si certaines parties appuient l’idée d’une libération du travail humain, d’autres semblent se focaliser uniquement sur la machine, comme si celle-ci était devenue une fin en soi. Des démonstrations de nouvelles machines sont présentées à l’écran dans le style d’un catalogue promotionnel : faucheuse à fourche, faneuse rotative, râteau attelé, bateleuse de foin… Ou encore, dans la sixième partie, le fonctionnement d’une batteuse est disséqué avec illustrations à l’appui. La machine devient dès lors le centre de l’image et de son message, l’ingénierie industrielle ne s’adressant plus qu’à elle-même, dans un discours techniciste qui occulte irrémédiablement le paysan.

Jérémie Grojnowski


Chronique 2 : Palot, ou la mécanisation de l’agriculture (1947)

Titre complet : Palot, ou la mécanisation de l’agriculture (1947, 16min)
Réalisateurs : Armand Chartier et Edmond Fleury
Lien vers l’archive vidéo du Ministère de l‘Agriculture

<img alt="Palot" src="https://webtv.agriculture.gouv.fr/ressources/media/photo-2085-palot.jpg"/></p> <h2>Palot</h2> <p>Film réalisé en 1947 par Armand Chartier et Edmond Floury. Palot, jeune agriculteur d&#8217;Arlay, dans le Jura, persuade les habitants d&#8217;acheter un tracteur, trop cher pour une seule personne mais abordable pour une collectivité. Les paysans acceptent et créent une coopérative de matériel agricole. Palot, conducteur attitré, laboure les champs toute la journée devant les regards incrédules des cultivateurs. A partir de ce jour, tout semble devenu possible pour améliorer la vie au village.</p>

Résumé (officiel) :
Film réalisé en 1947 par Armand Chartier et Edmond Floury, Palot met en scène la modernisation de l’agriculture, et plus précisément la mécanisation, introduite par l’arrivée du tracteur dans un village.
Palot, jeune agriculteur d’Arlay, dans le Jura, persuade les habitants d’acheter un tracteur, trop cher pour une seule personne mais abordable pour une collectivité. Les paysans acceptent et créent une coopérative de matériel agricole. Palot, conducteur attitré, laboure les champs toute la journée devant les regards incrédules des cultivateurs. A partir de ce jour, tout semble devenu possible pour améliorer la vie au village.

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Palot, ou la célébration du machinisme agricole

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les tracteurs pénètrent progressivement dans les campagnes françaises, se substituant aux méthodes manuelles de travail du sol. Le film Palot, ou la mécanisation de l’agriculture (Chartier et Floury, 1947), relate l’histoire de cette arrivée du tracteur à Arlay, un village jurassien. Contrairement à d’autres films de propagande guidés par un discours expert expliquant la supériorité des machines agricoles, Palot adopte le point de vue de « vrais paysans » pour promouvoir les avantages du tracteur. Dans un style proche du docudrama empruntant à la fois à la fiction romancée et au réalisme documentaire, le film fait du tracteur un objet non seulement technique mais aussi social et émotionnel. Le tracteur est en effet mis en scène comme le centre de tensions, dans un village, entre des conceptions diamétralement opposées du travail agricole et de la vie rurale. Ses bénéfices sont vantés à travers le point de vue de ses défenseurs, lesquels acquièrent le véhicule dans le cadre d’une Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA), ainsi que celui de Palot, jeune héros embauché pour piloter la machine. Ses détracteurs, présentés comme des personnages antipathiques, aigris et rétrogrades, incarnent quant à eux l’impasse du traditionalisme dans un monde rural qui ne saurait se relever, selon le film, que par l’adhésion à la doctrine du progrès technique.

Une représentation douloureuse de la paysannerie traditionnelle

La narration en voix-off, qui accompagne l’ensemble du film, dresse dès l’ouverture la peinture pittoresque d’un village où le temps semble s’être arrêté : « C’est un petit village de France, semblable aux autres avec ses maisons têtues, avec ses volailles écervelées mais toujours à l’affut des apparitions de la fermière ; avec sa croisée de rues, stations de repos, agences de nouvelles, centres du monde où s’éternisent les vieilles bavardes ; avec l’antique roue de bois et les murs poussiéreux de son moulin qui mange le grain tous les jours et craque et grince, sans empêcher l’eau de rêver. (…) ». Après cette longue description teintée de romantisme, les cultivateurs entrent en scène sous un jour moins rêveur, accablés par la pénibilité de leurs méthodes traditionnelles de travail. Ceux-ci semblent condamnés à une condition de souffrance quotidienne, « soumis aux travaux les plus asservissants. » Ainsi, commente la voix du narrateur : « Le monde ne sait plus où il va, puisqu’au siècle du progrès subsiste un tel esclavage à la routine. » Une illustration de cette condition misérable est la participation aux durs travaux de femmes de toutes les générations, trainant les bœufs dans les champs, coupant le bois à la hache. Dans un monde transformé par la modernité et le progrès technique, ce village figé dans la tradition paraît sans avenir ni promesses.

Le tracteur comme espoir pour la jeunesse paysanne

Mais un évènement vient bouleverser l’état déclinant de ce village. Un beau jour, Georges Tournier, un des villageois, réunit les habitants pour leur annoncer qu’un seul tracteur pourra être attribué par le département aux cultivateurs. Après des discussions tendues, la décision est prise d’acquérir le tracteur dans le cadre d’une Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole. Les cultivateurs s’entendent pour contribuer collectivement à l’acquisition du tracteur, ainsi que contracter un emprunt auprès du Crédit Agricole. Il est aussi convenu d’embaucher le jeune Palot, héros du film, qui sera chargé de piloter la machine destinée au travail quotidien des champs environnants. A travers lui, c’est à la jeunesse qu’est confié le tracteur pour prendre en main l’avenir de la communauté. Le jeune héros, extasié devant l’esthétisme moderne et la mécanique révolutionnaire du tracteur, pourra enfin réaliser son rêve de grandes échappées.

La fierté du nouveau paysan

Palot peut dès lors « filer vers la plaine », devenu cultivateur-voyageur. Le tracteur est ici vanté auprès de la jeunesse comme un signe de masculinité ainsi qu’un attribut de séduction : « Si Suzanne me voyait perdu dans la plaine avec ce monstre », se dit à lui-même le héros. Grâce au tracteur, il est capable de travailler 1,5 hectare par jour, du lever du soleil jusqu’au soir, sans qu’aucun obstacle ne lui résiste : « Palot se sent puissant comme 10 paires de bœufs bien que les reins lui fissent un peu mal. » Il rend dans le même temps service à de nombreux habitants qui n’ont plus à se frotter au dur labeur et seraient bien incapables d’abattre manuellement une telle quantité de travail. Dans le village, il traverse fièrement les rues du haut de son tracteur, sous les regards admiratifs et reconnaissants des villageois. Le tracteur apparait ainsi comme un facteur d’émancipation, de solidarité intergénérationnelle et en fin de compte de convivialité : « N’est-ce pas un triomphe, sous le signe de la bonne humeur, de l’intérêt bien compris et de l’odeur de la soupe aux lards ? », nous dit la voix-off. Le visage lumineux de Palot sublime « l’objet tracteur » pour en faire un symbole de joie et de fierté paysanne.

Une célébration du tracteur

Les opposants au tracteur sont alors discrédités par le narrateur qui les présente comme étroits d’esprit, réfractaires à l’innovation : « j’ai toujours fait comme ça, le grand-père de mon père n’aimait pas les aventures », grommelle un de ces personnages. Ce sont aussi des individus profondément négatifs et asociaux : « coléreux », « envieux », cherchant les « querelles ». Le film oppose à ces personnages antipathiques l’esprit de coopérative et de partage. Grace au tracteur, la vie sociale et domestique se trouvent revitalisées dans le village ; les hommes étant libérés des travaux des champs tandis que les femmes peuvent revenir au foyer et se consacrer à l’éducation des enfants. Les jeunes femmes ont quant à elles enfin la possibilité de prendre soin de leur corps et se rêver « actrices de cinéma ». Le film humanise ainsi le tracteur en l’associant à l’esprit de coopérative et aux aspirations de la jeunesse rurale. Par ce subterfuge, Palot opère un renversement de perspective qui situe la machine agricole du côté de la vie, de l’humain, rejetant toute critique du machinisme comme une atteinte au vivre ensemble et à l’espoir d’un avenir meilleur pour le monde paysan.

Jérémie Grojnowski


Chronique 3 : De la forêt à la moisson (1932)

Titre complet : De la forêt à la moisson (1932, 7min)
Producteur ou co-producteur : Ministère de l’Agriculture
Lien vers l’archive vidéo de l‘INA

Résumé (officiel) :
Film en noir et blanc consacré à la mise en valeur des terres par l’agriculture et au progrès technique agricoleDe terrains sont défrichés : les arbres sont abattus par les bûcherons, les souches sont éliminées grâce à la dynamite. Le film explique que les engins agricoles modernes comme les tracteurs ou les moissonneuses lieuses permettent des rendements meilleurs.

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La machine agricole : un fantasme de la surpuissance

Produit par le Ministère de l’Agriculture en 1932, De la forêt à la moisson est un des premiers films à présenter le tracteur en France ainsi qu’à développer un discours mythifiant autour de cette nouvelle machine agricole. La puissance surhumaine du tracteur, mais aussi des moissonneuses-lieuses, y est présentée tout au long de démonstrations allant du défrichage d’un terrain jusqu’à la préparation du sol, aux semailles et la moisson.

Des explosifs au tracteur

Un des points les plus frappants de ce film muet est l’association du tracteur, dès les premières scènes, aux explosifs d’origine militaire. Le film s’ouvre sur une série de plans où le sol d’une forêt est défriché brutalement afin d’être rendu cultivable. Les souches des arbres sont arrachées à l’aide de dynamite dans une mise en scène digne d’un film de guerre. Apparait alors le tracteur qui vient trainer et déplacer à toute allure les souches attachées à des chaînes : « Un spectacle peu courant », commente un carton. La puissance du tracteur est exposée à travers une lutte spectaculaire de la machine transformant un paysage sauvage en « champs productifs ». Par la force destructrice du tracteur, suggère le film, les cultivateurs pourront désormais domestiquer leur environnement naturel.

Un regard quantitatif et stratégique sur le vivant

Le film expose ensuite les différentes façons pour les machines motorisées d’intervenir dans les champs. Les noms des outils en action, tels que le « pulvériseur » ou le « Culti-tasseur », soulignent l’agressivité de cette nouvelle conception du travail agricole. Les résultats de ces méthodes sont systématiquement exprimés en termes quantitatifs : 20 hectares ensemencés par jours, 180 hectares de blé coupés et mis en gerbe en une seule journée par des moissonneuses-lieuses… Dompté par la machine, le vivant est réduit à des abstractions, des rapports d’espace-temps. Les images montrent quant à elles des véhicules avançant groupés en diagonale. Ou encore, au milieu des champs de maïs, les tracteurs évoluent en file indienne tels des tanks opérant une manœuvre stratégique : « Un défilé impressionnant », souligne un carton, renforçant cette représentation guerrière des nouveaux véhicules agricoles.

L’entrée dans une nouvelle ère

Le film se clôture sur le retour des tracteurs à la ferme sous le soleil couchant. Cette mise en scène esthétisante est une façon d’intégrer la machine dans le paysage comme un élément venant réenchanter l’imaginaire rural. Le tracteur apparaît comme une avancée ouvrant sur une nouvelle ère grandiose, celle où le paysan aura enfin pris le dessus sur la nature pour accéder au statut de producteur.

Jérémie Grojnowski


Textes : Jérémie Grojnowski
Vidéos : INA, Ministère de l’Agriculture

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