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Nourrir et se nourrir de la recherche : bilan de l’axe 2

Partenaires impliqués

Tous les partenaires du projet avec l’Atelier des jours à venir et l’Atelier paysan en pilotes.

Contexte et objectifs

Dans les suites des collaborations avec la recherche dans la précédente MCDR Usages (2015-2018), l’axe 2 du projet visait à générer une collaboration entre les partenaires et le milieu académique pour « nourrir et se nourrir de la recherche ». Cette ouverture vers la recherche a été accompagnée par l’Atelier des jours àvVenir, une coopérative qui développe depuis une dizaine d’années un expertise dans les démarches de recherche participative.
Rapidement, les questionnements des partenaires se sont orientés vers la question du genre et de la technique en agriculture. Plus visibles et reconnues dans leur métier d’agricultrice depuis les années 60, les femmes continuent à évoluer dans un milieu largement masculin et très marqué par les stéréotypes et inégalités de genre. Elles restent encore largement assignées aux tâches administratives comme la comptabilité, à la vente et à la transformation ainsi qu’aux soins aux animaux, traite en tête. A l’inverse, l’entretien des cultures et du parc matériel reste une sphère très majoritairement masculine.

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Réalisations

Le travail sur cet axe 2 s’est inscrit sur le temps long de la recherche et le travail de « pétrissage » de la question de recherche est passé par les étapes suivantes.
Crédit : Good Planet
Crédit : Good Planet.

Formulation de questions individuelles et en groupe
Les partenaires ont été invité·es à formuler, de manière individuelle et sans se restreindre, le plus de questions possibles en lien avec la thématique de l’innovation par les usages. Voici quelques exemples parmi les plus de 120 questions qui ont été listées :

  • Quelle est la place pour la technique dans la formation et dans les parcours à l’installation ?
  • De quelle façon intégrer la question de la place des femmes dans nos réflexions ?
  • Comment proposer de nouvelles façons de faire sans tomber dans une notion de « modèle » ?
  • Les formations agricoles sont-elles un vecteur ou bloqueur de l’innovation par les usages ?
  • Qui innove ?
  • Comment l’innovation technologique et le machinisme ont repoussé les savoir-faire ?
  • Comment concilier les relations entre les exploitant·es et leurs envies d’innovation / d’adaptation de l‘outil de travail dans un groupe ?
  • Les femmes ont-elles un usage différent des outils et machines ?
  • Qu’est-ce qui peut orienter vers la mécanisation de pointe et l’hyper technologie plutôt que vers le faire soi-même ?
  • Quels liens entre innovation/technique/économie ?
  • Qu’est-ce que « faire » change dans la projection intellectuelle, la manière de raisonner, la conception de la ferme, l’émancipation ?
  • Comment accompagner des porteurs et porteuses de projets en passant par le faire et le faire ensemble ?
  • Bricoler, c’est reprendre des marges de manœuvre ?
  • En quoi un meilleur dimensionnement des machines agricoles peut-il devenir un outil d’émancipation pour les femmes ?
  • Comment (re)donner confiance aux femmes dans leur capacité à s’approprier cette dimension vue comme « technique » ?

Des questions communes
En repartant des questions individuelles, trois groupes de travail ont abouti aux questions suivantes :

  • Quels sont les conditions et impacts de l’innovation collective par les usages ?
  • Quels sont les obstacles et leviers pour généraliser un retour aux innovations par les usages ?
  • Comment et pourquoi l’innovation par les usages est devenue marginale en France et quelles seraient les conditions et leviers pour recréer un écosystème ou les paysan·nes soient les acteurs et actrices centrales de leur pratiques ?
  • En quoi l’innovation par les usages/descendante et leurs représentations impactent les paysannes et paysans sur leur pratiques, leur vie sociale et économique et leur développement intellectuel ?

Crédit : Freddy le Saux
Crédit : Freddy le Saux.

Présentation d’articles de recherche et formulation d’une question commune
Au cours des échanges, l’Atelier des Jours à Venir a présenté des articles scientifiques sur des sujets proches dans le but de situer la question par rapport à des recherches déjà existantes, et de s’imaginer quelles méthodologies pourraient être utilisées pour y répondre.
Les formulations précédentes de questions, les discussions d’articles, les ponts faits avec l’axe 1.3.1 de la MCDR et la rencontre avec Marianne Niosi (journaliste et salariée du Planning Familial de Paris) ont, in fine, amené à la question commune suivante :

Dans quelles conditions, par quels moyens et dans quels buts les femmes agricultrices participent-elles à l’évolution de l’équipement agricole (machines, bâtiments) pour leur exploitation ? Quels impacts a cette participation en termes humains ? (émancipation, autonomie, ergonomie, réappropriation technologique, répartition des tâches, développement intellectuel, problématiques de genre, gouvernance, image du métier, pénibilité...)

Exemples de conditions : statut dans l’exploitation, type de gérance, parcours antérieur, valeurs, relation à la technique, représentations…
Exemples de moyens : partage d’idées, recherche de solutions, mise en œuvre (soudure, construction), réseautage, recherche de moyens matériels…

Échanges avec des chercheur et chercheuses et collecte de données
Plusieurs chercheurs et chercheuses ont accepté d’échanger avec les partenaires de la MCDR au sujet de cette question, et de leur propre travail de recherche :

  • Alexis Annes, chercheur en sociologie au Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires, équipe Dynamiques Rurales (Toulouse) ;
  • Hélène Guetat-Bernard, chercheuse en sociologie au Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires, équipe Dynamiques Rurales.
    Et les étudiant·es qu’ils et elles encadrent :
  • Chloé Lebrun, en thèse sur la féminisation de la filière viti-vinicole en région Occitanie ;
  • Valéry Rasplus, en stage de master 2 sur les questions de genre et paysage.

Ces échanges ont permis d’arriver à la formulation finale de la question de recherche :
Quel(s) rapport(s) les agricultrices ont-t-elles aux questions techniques sur leurs fermes ?

Valéry Rasplus, en stage de Master 2, a intégré des questions sur le rapport genré à la technique dans des entretiens qu’il a réalisés pour son mémoire de master 2. Il a ensuite réalisé un article à ce propos diffusé sur son blog de recherche qui porte sur les questions de genre et d’agriculture, Agrigenre.

Apprentissages et préconisations

Une question de recherche pertinente
La question de recherche élaborée collectivement soulève l’intérêt des structures du milieu rural en prise directe avec la problématique du genre et de la technique. L’enthousiasme de partenaires, d’usager·es et de financeurs quant aux actions menées sur l’axe 1.3.1 (R&D et chantiers d’autoconstruction en mixité choisie, interventions sur la thématique du genre et de la technique) semble confirmer cette dynamique.
Cette question interpelle également le milieu académique parce qu’elle émane du terrain et qu’elle pointe un angle mort de la recherche. Les liens tissés entre partenaires et chercheurs et chercheuses du projet pourront être porteurs de collaborations futures sur des séminaires, évènements, etc.

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Le temps long de la recherche et des freins au projet
La formulation d’une question de recherche par un collectif est un bel aboutissement, mais en trois ans de travail, l’Atelier des jours à venir espérait amener à un début de recherche plus conséquent. Quelques points sont à soulever dans ce qui a pu freiner la mise en place d’une telle recherche :

  • Le collectif constituant la MCDR n’était pas pré-formé. Même si les partenaires se sont réuni·es autour d’une thématique commune, la formulation d’une question de recherche collective a pris un temps particulièrement long parce qu’elle comprenait une étape préalable pour faire connaissance et identifier les intérêts en commun ;
  • L’initiation d’une démarche de recherche participative solide est difficile à mettre en place en lorsqu’on se projette sur seulement trois ans. L’Atelier des Jours à Venir est habitué à accompagner des collectifs sur des durées allant de cinq à dix ans.
  • L’annulation, pour faute de Covid, du stage de master 1 de Valéry Rasplus qui devait porter sur la question de la MCDR, n’a pas permis d’initier assez tôt un travail d’enquête. Une recherche pilote telle que celle qui était envisagée aurait pu donner lieu à une amorce d’une recherche de plus grande ampleur, comme cela a pu être le cas dans d’autres projets accompagnés par l’Atelier des Jours à Venir.
Préconisations

Pour les organisations, leurs partenaires et le milieu académique :

  • Travailler avec un réseau déjà formé (où il existe déjà de l’interconnaissance) et sur un domaine commun prédéfini afin de définir plus facilement une question de recherche pertinente.
  • Encourager le monde de la recherche à se saisir de la question élaborée dans le cadre du projet et plus spécifiquement des questions de genre et de technique en agriculture.

Pour les pouvoirs publics

  • Financer la recherche sur du temps long et notamment la recherche participative et citoyenne afin de répondre à des questions vécues mais parfois ignorées du point de vue de la recherche.
  • Financer les dispositifs d’accompagnement et de médiation par une tierce structure.
Ressources

Articles UsageR·E·s en lien avec cet axe
Des articles sur le travail du sociologue Valéry Rasplus sur les questions de genre en agriculture :
www.latelierpaysan.org/Genre-et-technique-des-retours-de-terrain-sur-AgriGenre
www.latelierpaysan.org/Le-mot-agriculteur-ne-represente-pas-les-femmes-agricultrices
www.latelierpaysan.org/Genre-et-agriculture-de-nouvelles-actions-et-interventions
"Les groupes de femmes sont d’abord des espaces d’échange et de parole" Interview de Clémentine Comer, docteure en science politique
" Le monde agricole est encore un espace dominé par les hommes " Alexis Annes, agronome et enseignant chercheur en sociologie à l’école d’ingénieurs de Purpan (INP Toulouse).

Les articles scientifiques étudiés dans le cadre du projet
o Goulet F., Pervanchon F., Contreau C., Cerf M. In : Reau Raymond (ed.), Doré Thierry (ed.). Les agriculteurs innovent par eux-mêmes pour leurs systèmes de culture. Systèmes de culture innovants et durables : quelles méthodes pour les mettre au point et les évaluer ?. Dijon : Educagri éd., 2008, p. 53-69.
o Quentin Toffolini, Marie-Helene Jeuffroy, Lorène Prost. L’activité de re-conception d’un système de culture par l’agriculteur : implications pour la production de connaissances en agronomie. Agronomie, Environnement et Sociétés, Association Française d’Agronomie, 2016, 6 (2).
o Alexis Annes, Wynne Wright. Value-added agriculture : a context for the empowerment of French women farmers ?. Review of Agricultural, Food and Environmental Studies, Springer, 2016, 97 (3), pp.185-201.

Planches de l’exposition portant sur cet axe
Les machines agricoles, destinées aux hommes ?
Quand le genre s’invite à l’atelier