Accueil > Actualités > Retours sur l’AG 2015

Retours sur l’AG 2015

lundi 13 avril 2015

DIMANCHE MATIN :

Témoignage de Jean Le Monnier

Pour bien démarrer nos deux journées de réflexion, nous avons fait quelques pas en arrière et sommes revenus 40 ans plus tôt, fin des années 1970, lorsque l’agriculture industrielle, mécanisée et chimique était en train de triompher. Omnipotente et omniprésente ? Pas tout à fait ! Des paysans résistaient encore et toujours, notamment dans les zones de moyenne montagne. Et c’est ce paradoxe qu’ont cherché à étudier des militants de l’association d’éducation populaire Peuple et Culture dans le Nord-Est de Rhône-Alpes, accompagnés par des chercheurs universitaires qui arpentaient le terrain, en se posant des questions qui font sens...

Comment des agriculteurs installés a priori dans des environnements difficiles pouvaient survivre à la concurrence des agriculteurs de plaine ? Par de multiples adaptations et innovations ! Ces agriculteurs se diversifient, ne s’enferment pas dans un rôle "d’extracteurs de matières premières", "d’opérateurs d’un système pensé en amont par tout l’appareil industriel d’encadrement agricole". Ces agriculteurs là transforment leurs produits directement, commercialisent en magasin de producteurs ou en vente directe, font de l’accueil sur la ferme, autoconstruisent leur matériel (tracteur chenillard Yéti et mouflon), se perçoivent comme des acteurs du territoire...

De ce constat - qu’il est possible de faire des pas de côté et être viable techniquement, économiquement, humainement - Peuple et Culture Isère lance de nombreux chantiers de capitalisation et de diffusion des pratiques alternatives. Un nombre incalculable de réseaux émergent de ces expériences : Accueil Paysan, RELIER, Yéti Construction, Hippotèse, Terre de Liens, etc...

Et déjà le développement agricole associatif et alternatif se pose la question de ne pas laisser aux seuls techniciens professionnels la fonction "d’agent de développement agricole". Peuple et Culture teste l’implication directe des producteurs au travers des "paysans animateurs".

Voici dans les grandes lignes ce que Jean Le Monnier, actuel président de la fondation Terre de Liens, ancien président de RELIER, nous a décrit le samedi matin.

LE MANGER APPELLE LE PARLER

Élément structurant des deux jours de blabla, les délicieux repas préparés par Claire, Chantal et Ludovic de Croq’Champs (une ferme en Scop, drômoise, de maraîchers-cuisiniers, et d’autoconstructeurs).

JPEG - 1.2 Mo

DIMANCHE APRÈS-MIDI :

une réflexion sur les enjeux actuels de la Technique en agriculture

JPEG - 772.9 ko

Ça n’aura échappé à personne que le projet politique de l’Atelier Paysan tourne pas mal autour de la Technique. On s’agite pour faire en sorte que les paysans s’approprient ou se réapproprient les questions techniques, trouvent à réfléchir, à critiquer leurs pratiques, et à tâtonner vers des solutions adaptées. L’outil coopératif est au service d’agriculteurs qui souhaitent être acteurs de leur système, donc plus autonomes, sur des fermes plus viables.

Cet intérêt pour les questions techniques nous pousse à réfléchir sur le "régime technique" (comme on pourrait parler de régime politique) dans lequel nous vivons.

- Une première conférence assurée par Morgan Meyer (chercheur AgroparisTech) et Quentin (étudiant) nous renseignait jusqu’où peut aller la manipulation du vivant et le "monitoring" (la surveillance appareillée) de son environnement. Aujourd’hui tout un chacun, au travers des lieux de ressources "Do-It-Yourself" comme les "Fab-Lab" ou les "Hackerspaces", peut se lancer dans "la biologie de garage". Sans même poser la question des limites ou de l’éthique, les "bio-hackers" amateurs peuvent rivaliser avec les savants-fous et par exemple introduire très facilement un gène qui rend les plantes fluorescentes la nuit. Fun !
Autre exemple, pour appâter les stressés, des Fab-Labs markettent le concept de l’autonomie, à coup de nouvelles technologies bidouillables, en proposant à l’autoconstruction un compteur Geiger open source, histoire de s’éviter de bouffer du poisson irradié.

Voilà, tout est dit. L’autonomie dans la bidouille est mise au service de l’esquive, d’une "godille" très solitaire... Au lieu ici de s’attaquer collectivement au problème énergétique, à préparer un avenir sans énergie nucléaire, on met justement de l’énergie à bidouiller des compteurs pour se préserver soi, avant tout. Passer par des lieux de bidouille comme les Fab-Lab donne même l’illusion de s’insérer dans un mouvement collectif, dans un récit.

- Nous avons ensuite porté notre réflexion plus spécifiquement sur le monde agricole, où c’est un raz-de-marée technologique et technophile qui est en marche.
Nous sommes à l’âge où les drones, les robots et les logiciels d’aide à la décision sont désormais au point pour "redonner du rêve, redonner des perspectives" à l’agriculture, comme nous explique un militant local de la FNSEA. Ces machines peuvent tout à fait assister l’agriculteur, lui dégager du temps et lui libérer l’esprit, deux matières mobilisables ailleurs, pour autre chose. Très bien.
Toutefois n’attendez pas que ces machines autonomisent l’agriculteur. D’abord elles coûtent très cher et les économies d’échelles réalisées grâce à ces machines vont directement dans la poche des constructeurs. Et puis tout cet appareillage génèrent des quantités infinies d’informations, dont nous n’avons même pas idée, et qui sont au final les vraies productions marchandes de ces technologies, les véritables "relais de croissance" (cf n°441 de Transrural Initiatives). Parce que la donnée ça se vend ! Et le litre de lait qui sort d’une exploitation avec robot de traite et outils d’aide à la décision, est bien moins valorisable que les milliards d’informations produites par ces machines. On appelle cela le "Big Data" et le producteur peut circuler, il ne saura pas comment ces données sont utilisées, à quelles fins, par ceux qui les collectent, les centralisent, les traitent et les vendent. C’est l’agriculteur vache à lait.

Certains pensent alors que le salut réside là encore dans la bricole. On va se rendre plus libres en mobilisant l’Atelier Paysan pour créer un drone open source, autoconstructible ! Ah oui parce que le problème ne réside pas intrinsèquement dans la technologie. Le problème viendrait alors simplement de la nature capitaliste du fabricant, de celui qui diffuse la technologie ?

C’était tout le sujet du second débat de l’après-midi, animé par Stéphane Dunand, professeur de Philosophie en Lycée et chercheur autour de la Technique. Est-ce que la Technologie est neutre, est-ce que c’est le drone, la fabrication du drone ou l’usage du drone qui pose problème ?

Certains ont essayé de poser la question différemment, en se demandant si ce n’est pas le besoin de drone qui est le problème. Qu’est ce que le besoin de drone traduit d’abord comme changement de vision, d’esthétique, de système agricole ?

LUNDI D’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Voici les Rapports d’AG 2015 présentés :

En matinée, nous nous sommes attachés à expliquer dans les grandes lignes le Rapport Moral, le Rapport du CAO, le Rapport d’Activités - tous détaillés dans la version papier - de manière à susciter le débat, le questionnement.
Nous avons également accueilli les interventions des Champs des possibles et du GAB Ile-de-France, qui ont témoigné de leurs activités d’abord et ensuite de la dynamique naissante en Ile-de-France autour de l’autoconstruction. C’est un des exemples d’une démarche qui se décentralise, saisie directement par les producteurs.

L’Après-midi, nous nous sommes attardés sur le modèle économique participatif mis en place par la SCIC, pour financer ses activités de production de biens communs, ses investissements, ou bien pour constituer ses fonds propres. A ce sujet, Jean Pierre Duponchel du réseau des CIGALES et du Fond de dotation Citoyens Solidaires a expliqué le rôle que peuvent jouer les clubs de citoyens qui constituent une cagnotte commune et l’investissent dans des projets porteur de sens.

Toujours autour du modèle économique, Cyril Kretzschmar, Vice-président de la Région Rhône-Alpes à l’économie sociale était présent et à souhaité prendre la parole, en replaçant l’aventure collective de l’Atelier Paysan dans les défis plus larges que doit relever aujourd’hui l’ESS.

Le rapport d’orientation a enfin brossé l’avenir du mouvement de l’autoconstruction, avec le besoin d’essaimer, de décentraliser la démarche, en animant des communautés locales d’autoconstructeurs, de paysans. Une volonté que l’animateur(trice) en cours de recrutement aura également à mettre en œuvre.

Les 18 nouveaux sociétaires

- Collège Paysans et Fondateurs :
Acceptation de Pierre HILAIRE, Antony FOUQUEAU, Arnaud ROSTOLL, Jean-Philippe VALLA, le GAEC Terres de Luisandre, SCEA Sabots d’argile

- Collège associations de soutien :
Acceptation de l’association GRAB d’Avignon, l’association Hippotese (Association HIPPOmobile de Technologie et d’Expérimentation du Sud-Est), l’association GAB 29 (Groupement des Agriculteurs Biologiques du Finistère), l’association ABC (Agriculteurs Bio de Cornouaille, 29), l’association Les Champs des Possibles

- Collège salariés :
Acceptation de Laurence GARNIER et Grégoire WATTINNE

- Collège partenaires :
Acceptation de QUINCAILLERIE ROY SA, CIGALES Guerzillon (35), CIG’RENNES (Club Cigales, 35), CIGALES des Petites Roches (38), CIGALES TRIEV’ES (38)

AU POTAGER DU ROI

N’oublions pas de mentionner que l’École Nationale Supérieure du Paysage qui a accepté de nous accueillir, nous a laissé tout loisir de nous dégourdir les jambes dans le Potager du Roi, qui rouvrait au public ce weekend là...

JPEG - 1.2 Mo