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Innovation par les usages à l’InterAFOCG

lundi 17 juillet 2017
Innovation par les usages à l’InterAFOCG

L’InterAFOCG est membre de la MCDR USAGES depuis 2015, projet collectif qui permet d’expérimenter et de réfléchir aux processus impliquant directement les usagers dans le conception et la réalisation des services dont ils ont besoin. Voici un article sur l’implication des agriculteurs autour de logiciels informatiques de comptabilité.

Dans le cadre de la MCDR « Innovation par les usages », l’InterAFOCG a initié en 2016 une action qui se poursuit en 2017, sur la maitrise par les paysans des outils utilisés en comptabilité/gestion, avec un focus sur l’importation des données et la dématérialisation des factures*, permise par certains logiciels informatiques, commerciaux ou non, libres ou non. En permettant de faire arriver les données directement sur son logiciel, sans saisie, ces innovations liées aux nouvelles technologies ont pour objectif affiché de gagner du temps, mais est-ce réellement le cas ? De plus, elles soulèvent un certain nombre de questions : quelle est la maitrise réelle des paysans-usagers et quelle est l’adéquation avec leur raisonnement comptable ? Permettent-elles le développement des savoirs et savoir-faire de l’autonomie de gestion ? Ces nouvelles fonctionnalités ne risquent-elles pas d’exclure une partie des paysans car elles demandent des compétences informatiques plus poussées ? Le coût de ces outils est-il supportable par toutes les fermes ?…

L’objectif de cette action était d’explorer un sujet (l’importation des données et la dématérialisation des factures) qui commence à poindre en agriculture, et dans d’autres secteurs de la société. Ce sujet présente des enjeux d’avenir sur la motivation et la possibilité des paysans à continuer à faire eux-mêmes leur gestion sur des exploitations agroécologiques de petite et moyenne taille, sur la maitrise qu’ils ont des outils utilisés, et sur le rôle des structures accompagnatrices. La façon de travailler de l’InterAFOCG est d’impliquer directement les usagers dans la réflexion, et dans le choix, la conception et l’utilisation de solutions adaptées.

Pour mener cette action, une phase de repérage d’innovations dans les AFOCG a été conduite en 2016, puis une formation exploratoire a été organisée au niveau national (mars 2017) avec un groupe de paysans venant de 8 AFOCG différentes pour croiser les informations et les regards. L’hétérogénéité du groupe a permis une réflexion ouverte, non focalisée sur des considérations de spécialistes, avec un niveau d’échange soutenu. Au cours de cette formation, trois innovations ont été étudiées (cf. schéma).

La formation s’est déroulée en 3 temps :

  • Témoignages d’agriculteurs de Haute-Garonne, du Jura et du Tarn-et-Garonne pour porter à connaissance des participants des solutions d’importation de données ou de dématérialisation comptable (dont une créée par un paysan)
  • Analyse en groupe des éléments positifs, des limites et des points de vigilance pour chaque solution. Par exemple : l’importation du relevé bancaire et des factures de vente semble intéressante pour éviter la saisie dans le logiciel de comptabilité, mais demande un bon paramétrage au début et n’évite pas une vérification. L’intérêt dépend donc du nombre d’écritures comptables, qui peut varier selon la ferme et les circuits de commercialisation (en vente directe, le nombre important de factures peut rendre ces solutions pertinentes). L’importation des factures d’achat demande un investissement conséquent (achat d’un scanner et d’un logiciel de traitement ROC**), ce qui limite sa diffusion. Selon les paysans, la diminution du temps de saisie permettrait d’avoir plus de temps sur l’analyse économique (résultat, charges…) en groupe, moment essentiel pour travailler la gestion de sa ferme.
  • Identification des enjeux relatifs à l’autonomie des paysans. Deux éléments sont ressortis de l’échange : donner des bases solides de compréhension de la logique comptable, de développement de raisonnement de gestion, avant de voir où du temps peut être gagné ; faire en sorte que les outils soient adaptés aux personnes et non l’inverse. Cela oriente les Afocg et les paysans qu’elles accompagnent vers des outils simples, conviviaux, accessibles (pour n’exclure personne), et peut-être à plusieurs niveaux et dans des temporalités différentes en fonction des besoins.

La prochaine étape de notre action est de mettre les principaux éléments de la formation à disposition des AFOCG pour que la réflexion se poursuive localement.

En conclusion, il nous semble primordial que les paysans ne soient pas considérés comme les usagers finaux mais bien comme acteurs de ce travail et qu’ils puissent se baser sur leurs expériences propres ou celles de pairs : « avoir les mains dans le cambouis permet de comprendre ce que nous faisons ». C’est la condition pour que le choix -voire la conception- des outils se porte sur ceux qu’ils jugent adaptés à leurs besoins. Le groupe est le second point essentiel pour une compréhension partagée (même si parfois différente) des enjeux et pour la capacitation des individus, c’est-à-dire la prise en charge de l’individu par lui-même et de son avenir professionnel, grâce au collectif. Le rôle des AFOCG est de faciliter la réflexion en amont du choix, sans entrer forcément dans le développement de solutions techniques, et de se concentrer sur le défrichage avec les paysans des enjeux posés par ces nouveaux outils pour qu’ils soient en capacité de se positionner et d’agir par rapport à ce qu’ils apportent.

* La dématérialisation de factures consiste à faire passer des documents du support physique (le plus souvent papier) au support numérique/électronique. De façon plus large, la dématérialisation consiste à « transformer un flux de documents, ainsi que les traitements qui lui sont appliqués, en flux et traitements numériques » (Source : wikipedia)

** ROC : Reconnaissance Optique de Caractères (ou OCR en anglais)

> Article rédigé par Gabrielle Sicard, chargée de mission à l’InterAFOCG.

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